Octobre est le temps d’Halloween, ce n’est pourtant pas ce qui motive mon éditorial. Bien loin de vouloir jouer à faire peur, je pense qu’il est bon de regarder la réalité en face pour pouvoir y réagir de façon pertinente.
En tant que dirigeant d’ALE, force est de constater que, depuis 2004, nous sommes les témoins d’un lent, mais constant désengagement dans la mesure. Un travail qui évoque la stratégie du boa, ce sympathique reptile qui a la particularité de stopper la circulation sanguine — et, du coup l’apport en oxygène — de sa proie pour provoquer sa mort.
Une brève histoire des ALE
C’est un peu ce à quoi nous assistons depuis 18 ans. Nous avons d’abord vu ce qui était, à l’époque, notre principale activité — l’aide au ménage — nous être interdite. Certaines ALE se sont alors, et à la demande de l’administration de tutelle, tournée vers les titres-services qui ont hérité de cette tâche.
Notre succès fut sans doute plus important qu’escompté, car 80 % de notre trésorerie fut ponctionnée d’autorité. Certains de nos membres sont toujours en procès pour éviter cette incroyable entorse à la propriété privée.
En parallèle, un grand nombre de fonctionnaires détaché.e.s furent incité.e.s à intégrer d’autres missions de l’Onem. Las, certain.e.s réorientaient leur carrière vers différents cieux que je leur souhaite plus respectueux de leurs efforts.
Finalement, la VIe réforme de l’État a vu des structures déforcées être transférées aux régions. La Flandre a essayé de se passer des ALE et comme nous le soulignons ici, elle a fait marche arrière.
Pourtant, nous constatons que le lent travail de sape se poursuit. Un regroupement de facto d’ALE au gré des vacances de postes s’effectue. Il n’est plus rare de voir un.e fonctionnaire se diviser entre trois ALE réduisant les permanences à la portion congrue. Si nous n’y prenons garde, la volonté dorénavant explicite du Forem de favoriser ces regroupements — indépendamment des difficultés pratiques que relevait Marc Lison (ici) le mois passé — pourraient encore restreindre le nombre de fonctionnaires détaché.e.s. En effet, si la règle veut qu’un même agent du Forem ne se partage pas entre plus de trois ALE, comment seront comptabilisées les structures concentrées ? Il n’est pas impossible qu’à terme, le maillage ALE qui, en fait sa force, s’ordonne et se limite autour de la soixantaine de Maisons de l’emploi. Un chiffre à mettre en regard avec les 249 ALE réparties en Wallonie.
Une pénurie prévisible
Parallèlement, les prestataires voient leur salaire bloqué à 4,10 € par heure depuis le 1er mars 2003. La dispense pour activité ALE a été supprimée en 2004. Dans ces conditions, plutôt que de se demander comment augmenter le nombre de demandeurs d’emploi en ALE, il conviendrait plutôt de se demander pourquoi il y a encore !
Encore n’ai-je ici ressaisi que les traits les plus saillants du patient travail de sape de la mesure. Le lecteur.trice avide d’informations historiques pourra se plonger dans la synthèse reprise sur l’extranet de la PAW (ici).
Workshop ALE
Malgré cela, certaines ALE restent dynamiques et s’organisent pour améliorer les conditions de travail des prestataires et des aides-ménagers.ères. C’est dans ce contexte que nous fûmes une cinquantaine à nous réunir dans le beau cadre tilffois. Vous trouverez le compte-rendu de cet après-midi ici.
À la rencontre de Leïla
À cette occasion, certain.e.s ont pu rencontrer notre permanente Leïla Bhanji. Michaël vous propose de découvrir son interview ici.
J’en profite cependant pour regretter la lenteur dans l’agrément des formations titres-services. Alors que nous avons introduit deux demandes d’approbations en juin 2022, nous attendons toujours confirmation de leur acceptation. Quatre mois déjà pour faire approuver deux formations en sachant que ce processus devra être régulièrement réactivé pour maintenir les agréments.
En conclusion
Au fil des années, la PAW ne cesse d’interpeller les autorités locales, régionale ou fédérale sur ce qui se passe. Nous dénonçons un double discours qui vise à créer les conditions d’un échec en masquant la responsabilité d’acteurs externes dans la situation.
Nous pensons qu’il est plus que temps que le gouvernement wallon se penche sur notre avenir et, une fois de plus, nous lui rappelons que nous sommes demandeurs d’un dialogue constructif afin de réformer les ALE et de leur permettre de mieux remplir leur mission.
La politique actuelle conduit inéluctablement à la mort de la mesure et, sans doute, de la plupart des ASBL ALE. Une mort qu’en l’état, les municipalistes devront assumer. Une réforme est pourtant encore possible. Pour la PAW, elle doit rendre aux villes et communes ainsi qu’aux partenaires sociaux une vraie capacité décisionnaire. Ce travail ne peut, ni ne doit, dépendre de la seule PAW. Il appartient à chaque intervenant de se positionner en se demandant ce qu’il préfère : une structure associative locale ou des plateformes de services privées qui masquent à coup de sous statuts et de marketing bienveillant des activités qui relèvent de l’économie souterraine.
Jean-Michel Lovinfosse
Co-président