L’ancien ministre grec, Yannis Varoufakis me pardonnera cet emprunt qui résume l’esprit des « négociations » menées sous l’égide du Forem entre les ALE concernées par la répartition des quotes-parts liées aux activités fruiticoles des prestataires ALE en Flandre.
Petit rappel des faits
Lors de la régionalisation de la matière ALE, ces dernières sont inscrites dans une logique d’extinction. La Région flamande décida de supprimer ses ALE et… se tira une balle dans le pied.
En effet, il apparut très vite que les tâches confiées aux prestataires ALE ne rencontraient pas, ou insuffisamment, d’équivalence sur le marché du travail. Peut-être obnubilée par les titres-services et l’impressionnant succès de la mesure, la classe politique belge avait sous-estimé l’importance d’autres activités.
Las, la Flandre recréa un système similaire à celle qu’elle venait de supprimer : wijk-werkcheques.
Il demeurait le problème des cueillettes. En effet, si la législation ALE exclut du public cible pour les prestations les professionnels dans le cadre de leur activité économique, il existe une exception : les agriculteurs.
Entre début mai et la fin septembre, les fruiticulteurs en particulier recourent à des prestataires ALE. Or, la répartition actuelle des zones agricoles montre la prééminence de la culture des pommes et des poires dans la province du Limbourg.
Avant la régionalisation, ces entrepreneurs s’inscrivaient auprès de l’ALE de la commune où se situait le siège social de leur exploitation.
En revanche, un pourcentage non négligeable des prestataires provenait des ALE liégeoises. À tel point que l’ALE de Liège parla un temps d’un transfert sud/nord. Son président de l’époque sous-entendait par-là que l’essentiel du travail était en fait réalisé par les ALE wallonnes : inscrire le DE, lui fournir les formulaires ALE 4 et assurer le suivi en cas de contestation avec le client.
La dissolution des ALE flamandes entrainait une impossibilité de continuer à recourir à cette main-d’œuvre wallonne.
Aussi, en février 2018, les ministres régionaux chargés de l’emploi signèrent un protocole organisant les activités transrégionales dans les secteurs agricoles et horticoles.
Le protocole de 2018
Ce document (ici) est intéressant, car il articule la collaboration entre le VDAB — compétent pour les exploitants — et le Forem — compétent pour les prestataires.
Notons que le recours au dispositif ALE est explicitement considéré comme résiduel par rapport aux autres possibilités qui s’offrent aux agriculteurs. Un point cohérent avec les limites qui sont imposées aux activités ALE.
Concrètement, la Flandre détaille la liste des fermes concernées de façon mensuelle et le Forem fournit celle des prestataires ALE et le nombre d’heures effectuées par ces derniers.
Dans la continuité de cet accord, le Forem communiqua aux ALE wallonnes que les demandes seraient centralisées par l’ALE de Liège. À charge pour elle de répartir la quote-part globale reçue de Flandre entre les ALE au prorata des heures accomplies.
Las, Liège ne versa jamais le moindre cent et le Forem resta aux abonnés absents jusqu’à ce que nos membres se regroupent pour interpeller le gouvernement wallon (voir ici le courrier résumant notre argumentaire et ici la réponse de madame l’Administratrice générale).
Une négociation sans rien à négocier
La relation de la réunion qui se tint finalement à l’ALE de Liège ne présente pas un grand intérêt. Je me contenterai de préciser que la discussion fut franche et instructive à défaut d’être constructive.
En résumé, et contrairement à ce que le Forem annonça en 2018, l’ALE de Liège n’a jamais accepté formellement de redistribuer la quote-part. Par ailleurs, elle conteste la possibilité d’effectuer cette répartition sur base des données déclaratives des agents détachés dans les ALE concernées.
On aurait pu imaginer que le Forem viendrait avec une solution qui permettrait à chacun d’y trouver son compte.
Pourtant, son représentant signifia quelques données brutes issues des premiers mois 2022 et affirma qu’il n’était plus question de réclamer les quotes-parts annoncées par l’administration elle-même par le passé. Au-delà, il resta silencieux.
Les participants se quittèrent donc sans qu’un accord se dégage.
Une solution existe
Pourtant, la simple lecture de l’accord transrégional de 2018 offre une solution.
Le renouvellement du marché des chèques ALE (voir notre article ici) ouvre la possibilité pour le Forem d’organiser la collecte d’information concernant le nombre de prestataires ALE qui œuvrent en Flandre et le nombre d’heures qui y sont effectuées. Il ne s’agit pas d’une charge de travail supplémentaire puisque le Forem doit déjà fournir ces données selon les articles 3.2 et 5 du protocole.
À partir de là, comme pour toute prestation ALE, il parait aisé de calculer une répartition des quotes-parts à la source qui offrent un traitement égal des ALE concernées sans alourdir la tâche d’une ALE en particulier.
En conclusion
La situation actuelle crée une discrimination entre ALE pour les raisons mêmes qui avait retenu l’attention de l’ALE de Liège avant la régionalisation.
Si la problématique concerne presqu’exclusivement les liégeois, elle est tributaire des évolutions de l’agriculture flamande. Par exemple, rien n’empêche demain, le développement de la cueillette en Flandre occidentale.
La charge de travail, pour cette activité spécifique, est essentiellement au sein des ALE d’origine des prestataires.
L’accord de 2018 a institué des obligations de collectes d’information dans le chef du Forem.
Ces informations peuvent servir de base objective à une juste répartition des quotes-parts et un calcul correct du remboursement des salaires des fonctionnaires détachés en ALE.
Il appartient maintenant au Forem de le mettre en œuvre alors que le renouvellement du marché des chèques lui ouvre la possibilité de simplifier le flux des données.
JM Lovinfosse
Directeur ALE Herstal